Sujet: Re: William ; « In my mind » { En cours Lun 12 Sep 2011 - 19:28 | |
| Chapitre un « Etre con ? J'tiens ça de mon père »Je me souviens encore de mon père, paralysé devant ses films western spaghetti à longueur de temps. Partageant quelque fois son engouement, du haut de mes premières années, je m'identifiais, rêveur, aux personnages, en ne pouvant m'ôter de l'esprit cette question obsédante : Suis-je plutôt le bon, la brute ou le truand ? J'aimais les trois. Le bon. Elle était rayonnante et pleine d'espoir. Elle ne s'était libérée de son sommeil que depuis quelques secondes, tout au plus, au vue de ses rétines accusant difficilement les premières lueurs du jour. Un regard azuré plus délicieux encore que je ne l'imaginais, dans mes récents souvenirs, néanmoins confus. C'était suffisant pour expliquer sa présence dans la maison familiale, dans ma chambre, dans mes draps, témoins d'une nuit ardente. Porteur de promesses, je rend réciproque, quoique plus fétiche, le sourire qu'elle m'adresse lors de mon arrivée dans la pièce, plateau à la main, café, croissants et rose fraîche. Elle le méritait. Et je n'étais pas un goujat. « Harvey … c'est adorable. » Probablement absorbé par la soudaine idée d'un avenir romanesque, la jeune brune se projette, et tente d'en savoir plus sur ma personne. Assis prêt de la fenêtre, je la regarde, admiratif, avant de m'allumer une cigarette, la sondant du regard, sans prononcer le moindre son. « Qu'est-ce que tu fais ? … J'veux dire, dans la vie. Qui es-tu ? » Je laisse une bonne dose de nicotine flâner avec mes poumons. Juste le temps de réfléchir à la question, puis : « J'suis en 7ième année d'astrophysique. J'suis un geek qui rêve de poser un pied sur Mars, et de faire le tour de la Lune. Mon père est trader, riche et plutôt bel homme, ma mère travaille dans l'humanitaire, je ne la vois que les jours de fête. J'aime m'allonger dans l'herbe, à étudier les constellations pendant des heures, j'aime la bouffe chinoise et les trois premiers Star Wars. Et, aussi, je joue du saxophone ... » La brute. Une énumération chiante, mais voulue. Je ne laisse pas le temps à la jeune plante de réagir. Mais d'ailleurs, c'est quoi au fait, son foutue prénom ? Je crois que ça se termine en « A ». Héléna, Katrina, Natacha, bref, un prénom de fille de l'est de l'Europe. Peu importe. Je me lève enfin, ingère une dernière bouffée sur ma tige de tabac, et propulse le mégot sur la moquette, que j'écrase sans remords. « J'te souhaite une belle vie. » Puis, indifférent à l'éventuelle réponse de ma conquête nocturne, je saute enfin par la fenêtre des Greenberg. Les Greenberg, c'était un couple austère, voisins de Jim, un ami à moi. Leur serrure était aussi simple à déjouée que le coeur de Natacha, Héléna ou Katrina. Je ne sais toujours plus. Le truand. Je n'entendais presque plus les représailles bruyantes de mon ancienne proie, à la fenêtre. Pieds nus dans la rue, je n'avais qu'une seule idée en tête : rentré chez moi. Bien sûr, je ne suivais en aucun cas des cours d'Astrophysique. Mon père s'était suicidé, et ma mère, amoureuse des hommes, batifolait à droite à gauche depuis bien longtemps. Tout ça étaient liés, d'ailleurs. Je vomissais tripes et boyaux à la vue d'un nem, je n'y connaissais rien au système solaire, et je détestais la série des Star Wars. En revanche, je jouais du saxophone ...Chapitre deux « Entre nous, c'est de la physique quantique. Je n'y comprends rien, mais c'est drôle. » Une soirée comme une autre, à San Francisco. Une bonne partie de l'université y était réunie, sous un flot d'alcool conséquent, et tous emporté par la frénésie merveilleuse d'une musique mouvementée. Elle aussi, y était. Elle discutait à l'autre bout de la pièce, en esquivant mon regard. Je n'avais aucune importance pour elle, et je me moquais pas mal de ce qu'elle pouvait bien devenir dans 10 ans. Elle n'aimait pas l'alcool, et moi j'étais complétement bourré. Elle jouait avec les chiffres, et moi avec les mots. Nous n'avions en commun que notre bande d'amis, et chacune de nos conservations finissaient par des injures originales et fracassantes. [L] « T'es sûr de ce que tu fais ? » M'interroge Lans. Un type que je pourrais qualifier d'ami, si j'en connaissais vraiment le sens. « Tu veux vraiment tout plaquer pour jouer de la trompette ? » [W] « Du saxophone, Lans. » « Ouais, enfin peu importe. Ce que j'veux dire c'est que tu pourras jamais gagner ta vie comme ça. Imagine le salaire que s'fait un avocat. Tu peux pas tout plaquer comme ça. Nan mais imagine ... » « J'ai plus envie de gagner ma vie en protégeant la peau de types qui ne valent pas mieux que moi. » Je fini mon verre de whisky sec. Le liquide me brûle l'estomac, et ma conscience, parallèlement. J'en perd légèrement l'équilibre. C'était ma dernière soirée ici, et je comptais bien oublier toutes ces années de fac morbides, au profit d'une bouteille d'alcool. Les yeux plus dissimulés, et le sourire plus facile qu'à l'accoutumé, j'agrippe fermement la nuque de Lans, avant de lui glisser à l'oreille quelques mots : « Jt'appelerai quand j'aurai des soucis avec la justice. Bon courage Lans. » Démarche confiante mais maladroite, je traverse la salle, vers Emmalyn. D'habitude froid et acerbe au possible, j'étais là moins avare en paroles, malheureusement. Ma voix, d'ailleurs, n'avait plus rien de naturelle. Mon articulation périssait, et les consonnes disparaissaient ici et là. [W]« Laissez-moi deviner ! … George, futur professeur de mathématique, calvitie précoce et groupie d'Archimède. Vous parliez de quoi ? La géométrie Euclidienne ? » Emmalyn balaye le sol du regard en se pinçant les lèvres, submergé par la honte de mon intervention balourde. Le jeune homme en face d'elle, appelons-le George, ne trouva pas les mots. Et moi, je conservais mon sourire. Ne voyant pas le problème. [E]« Excuse-moi Karl. Je dois parler à mon ami. » La jeune femme m'éloigne avec conviction, telle une mère qui réprimande son enfant. « C'est quoi ça, qu'est-ce que tu me fais ?! » « Je fais connaissance. Il avait l'air sympa. Mais, au fait, tu viens de dire mon ami, nan ? C'est vrai, Emma', on est vraiment amis ? » « Arrête de boire, t'es minable. » « Tu sais que j'pars demain ? » « Oui, et alors ? » « Alors, je voulais te dire en revoir. » « Au revoir, William. Et bonne chance. » « Et si on faisait l'amour ? » « … Quoi ? » « Si on faisait l'amour, là, tout de suite. J'en ai toujours eu envie. Pas toi ? » Elle s'approche de moi, le regard sombre que je connais si bien se fixe dans le mien, avant de me lancer, en guise d'adieu. « Bonne soirée William. » Puis, elle s'échappe. Depuis ce jour, je ne l'ai plus jamais revue. »Chapitre trois « J'ai demandé pourquoi. On m'a répondu pourquoi pas. »La suite de mon périple m'avait amené à Babylon, une ville à l'est des Etats-Unis. Je ne quittais plus mon saxophone. J'enchainais les représentations avec mon groupe, on jouaient n'importe où. Du restaurant chic à Miami, au rade miséreux, comme où nous étions ce soir. J'avais 30 ans, le bel âge, j'ai essayé pratiquement toutes les drogues existantes, sans pour autant m'y accommoder, j'ai rencontré des gens de toutes classes sociales, sans pour autant tisser de réelles amitiés, j'ai côtoyé un bon nombre des filles, sans pour autant m'y attachées. J'avais une vie sans avenir, sans attaches, mais qui me convenait. Je me sentais libre, enfin. C'était mon aventure, et je ne regrettais en aucun cas mon choix. L'université, et mes pseudos amis ne me manquaient pas, je n'y pensais pratiquement plus. En cinq ans d'errance, c'était la première fois que je jouais dans un bar tel que celui-ci. Les gens semblaient ternes, et emplis d'une mélancolie incurable. Nos morceaux de jazz collaient parfaitement à l'atmosphère de l'endroit, certes, mais je ne m'étais pas senti tout à fait à mon aise, sur scène. Dehors, plongé dans une nappe obscure, lorsque je suis sorti par la porte de derrière, celle des artistes, l'impression ressenti à l'intérieur ne faisait que s'accentuer. Quelle idée d'être sorti après les autres. Allongé sur le sol, j'ouvrais péniblement les yeux, pour apercevoir en premier plan une clope fumante, sur le bitume, la mienne, sans doute. Je me redresse difficilement, et constate en second lieu la sacoche de mon saxophone, vide. Et merde. Porté par une douleur lancinante, je m'appuie sur le mur le plus proche, puis porte ma main au coup. Mes doigts recouverts de sang, me font comprendre l'origine de cette souffrance naissante. Sous l'emprise d'une douleur atroce, je me laissais aller. En un rien de temps, j'avais retrouvé le sommeil. Seul. Sur le bitume froid de Babylon.
Dernière édition par William D. Brandewyne le Sam 17 Sep 2011 - 14:29, édité 12 fois |
| William D. Brandewyne
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